La fin du 19e siècle a vu un intérêt grandissant pour les musiques du passé plus ou moins lointain. En même temps certains musées commençaient à assembler des collections d'instruments anciens, parmi lesquels il y eut le Musique du Conservatoire Royal de Bruxelles fondé par le facteur et acousticien Victor Charles Mahillon. Au début les instruments étaient là mais on ne possédait pas beaucoup de renseignements sur leur utilisation ni sur leur technique de jeu.
Arnold Dolmetsch, né au Mans en 1858 dans une famille de facteur d'orgues, est considéré comme un des pionniers du renouveau de la flûte à bec.
Il partit à Bruxelles pour étudier le violon. Il y rencontra
quelques musiciens intéressés par la musique des périodes renaissance et baroque, et qui jouaient des instruments du musée.
Il partit ensuite à Londres, pour s'inscrire au tout nouveau Royal College of Music, où il découvrit les musiques de Purcell, de Händel,
ainsi que d'autres compositeurs des 17e et 18e siècles.
Lors d'une vente aux enchères, il acheta une flûte à bec alto du
célèbre facteur londonien Bressan (Pierre Jaillard) et jouait celle-ci lors de ses concerts. Un peu plus tard cet instrument fut malheureusement perdu,
oublié sur un quai de la gare de Waterloo. C'est cet événement regrettable qui poussa Dolmetsch à fabriquer une flûte
à bec pour le remplacer, et ensuite à en construire d'autres pour sa famille et ses amis. Ainsi naquit l'atelier Dolmetsch, qui se spécialisa
dans la production d'instruments artisanaux de haute qualité.
Installé à Haslemere, Dolmetsch y lança en 1925 un festival où l'on pouvait entendre ses instruments et qui devint un événement annuel.
Carl, son dernier fils, entama des études musicales et devint un flûtiste à bec talentueux. A la mort de son père en 1940 il reprit
la direction du festival. Il donnait régulièrement des concerts et créa des œuvres écrites par des compositeurs de son époque
tels que Herbert Murril, Edmund Rubbra, Lennox Berkely et de bien d'autres encore.
une flûte à bec soprano de l'atelier Dolmetsch
Cependant Arnold Dolmetsch n'est pas le premier à avoir tenté cette aventure. Une dizaine d'années avant lui le munichois Gottfried Gerlach
avait réalisé une copie d'une flûte à bec de Denner pour un ensemble de musique ancienne la Bogenhausen Künstlerkapelle.
La flûte à bec continuait à progresser en Allemagne sous l'influence de musiciens comme Gustav Scheck et Willibald Gurlitt.
Puis l'instrument y prit un nouveau tournant
lorsque Peter Harlan, un luthier de Markneukirchen, lança la production en masse de flûtes à bec après une visite à Haslemere, où il se rendit compte
du potentiel l'instrument. Il s'éloigna des modèles anciens dans le but d'en faire un instrument " simple et populaire".
Afin de le rendre plus accessible à un large public il inventa un système de doigtés diatonique
que nous appelons aujourd'hui doigtés allemands ou modernes, facilitant la gamme fondamentale au détriment des autres tonalités. La flûte à bec ainsi transformée fut adoptée par les mouvements de jeunesse allemands , et
répondait à "un désir de retour aux valeurs simples et sprituelles et une recherche de la beauté dans tous les aspects de la vie de quotidienne".
une flûte à bec alto signée par Peter Harlan
L'atelier Dolmetsch ne produisant que des instruments fabriqués à la main d'un prix élevé, le flûtiste anglais Edgar Hunt organisa l'importation
vers son pays d'instruments produits dans les usines allemandes à des prix beaucoup plus abordables, en exigeant toutefois pour ceux-ci le doigté anglais traditionnel
qui évitait les problèmes d'intonation liés au système de Harlan.
En raison de l'impossibilité de continuer l'importation de flûtes fabriquées en Allemagne, les années de guerre virent la naissance de flûtes en matière
plastique, permettant la poursuite de l'essor de l'instrument. Ces premières flûtes étaient réalisées en bakélite, plus tard en ABS.
A la suite de ces développements la flûte à bec était beaucoup jouée, y compris dans les salles de classe, mais il y avait très peu de flûtistes à bec de niveau prfessionnel.
Au cours de la deuxième moitié du 20e siècle, le niveau de jeu et de l'enseignement de la flûte à bec a progressé considérablement, atteignant un niveau de plus en plus élevé. Des musiciens comme
Hans Martin Linde et Kees Otten exploraient toutes ses possibilités expressives avec une virtuosité jamais atteinte auparavant, permettant à la flûte à bec d'être reconnue
sur la scène musicale au même titre que les instruments "classiques".
A cours des années 1960 et 1970, sous l'influence d'un musicien exceptionnel, Frans Brüggen, de ses élèves, et de tous ceux qui ont pris leur suite, la flûte à bec fit un autre grand pas avant, d'abord aux Pays Bas, puis dans le monde entier.
une flûte à bec soprano fabriquée par Hans Coolsma vers 1970
En même temps des facteurs tels que Hans Coolsma, Bob Marvin, Friedrich von Huene, Fred Morgan, Andreas Glatt, et bien d'autres encore, se sont intéressés de plus près aux instruments originaux conservés dans les musées, dont les qualités musicales pouvaient dépasser de loin celles
des flûtes fabriquées couramment à l'époque, et ont commencé à en construire des répliques dans le même esprit, puis de les faire évoluer en fonction des besoins des musiciens contemporains.
Le renouveau est arrivé tardivement en France. Il faut citer Jean Henry, qui fut un des pionniers de son enseignement. Il organisa des stages internationaux permettant à des étudiants français d'entrer en contact avec
des professeurs venus d'autres pays. Il faut également citer Claude Monin qui fut le premier à recommencer à y construire des flûtes à bec dans les années 1960.
C'est grâce au travail de toutes ces personnes que la flûte à bec a retrouvé la place qu'elle occupe aujourd'hui sur la scène musicale.
une flûte à bec renaissance alto en sol de Bob Marvin fabriquée en 1978