De nos jours on joue la flûte à bec avec la la main gauche en haut et la main droite en bas comme dans la photographie ci-contre. |
Cependant, même si c'est devenu la règle aujourd'hui, il n'y a pas de raison logique pour que ce soit la main gauche qui se place en haut, et la main droite en bas plutôt que l'inverse. Au Moyen Age et à la Renaissance, les instruments étaient prévus pour que l'on puisse jouer des deux manières. L'image de gauche est un détail d'une peinture du 15e siècle. Le dessin de droite est tiré de la page de titre du traité de Silvestro Ganassi imprimé au siècle suivant . Toutes deux nous montrent des musiciens en train de jouer avec les mains inversées.
Les trois documents suivants attestent que les deux façons de placer ses mains sur la flûte étaient courantes jusque vers le milieu du dix-septième siècle.
1 - Dans son traité "Musica getutscht" de 1511 nous montre les deux façons de poser les doits sur la flûte.
|
2 - Pierre Trichet reprend la même idée, et un dessin presque identique, dans son "Traité des Instruments" de 1640 environ
|
3 - Pour permettre l'inversion des mains, le dernier trou était habituellement percé deux fois, de chaque côté de l'instrument. Il suffisait au musicien de boucher à la cire celui qu'il ne voulait pas utiliser. Cette caractéristique est visible dans les deux dessins ci-dessus, ainsi que sur le quatuor de flûtes ci-dessous, dessiné par Agricola. La clé de la flûte basse pouvait être actionnée d'un côté comme de l'autre..
En 1646, dans la description des doigtés de la flûte à bec qui accompagne le Fluyten Lust-Hof, Blankenburgh se contente de mentionner la main de dessus (de bovenste handt) et la main de dessous (de onderste handt).
Cependant le dessin de la flûte dans ce document ne montre pas de double perce du dernier trou. Celle-ci ne pouvait donc se jouer qu'avec la main gauche en haut et la main droite en bas.
L'habitude de jouer avec la main gauche en haut et la main droite en bas semble s'être généralisée à l'époque baroque, comme en témoignent les trois traités ci-dessous (de gauche à droite, Bismantova, Hotteterre le Romain, Majer) :
|
Dans son "Traité de la Flûte à Bec" publiée en 1707, Jacques Hotteterre-le-Romain stipule : |
|
Toutefois ce n'était probablement qu'une convention, et les facteurs ont continué a percer deux fois le dernier trou sur des instruments dont le pied ne pouvait être tourné pour le placer de l'autre côté. La double perce est visible sur cette flûte à bec soprano, en deux parties au lieu de trois, fabriquée aux Pays Bas par Robert Wijne (1698-1774). Le trou pour le petit doigt de la main gauche est rempli de cire.
Le dessin à droite de Johann Christoph Weigel (1722), montre un flûtiste jouant avec la main droite en haut. |
Ce sont les doubles trous qui rendent obligatoire aujourd'hui le jeu avec la main droite en bas, car ils sont décalés pour les aligner sur l'auriculaire et l'annulaire. De plus, le trou de gauche, que l'on ouvre seul pour obtenir le dièse, est en principe plus petit que l'autre. Donc si on veut inverser les mains sur une flûte à doubles trous il faut faire fabriquer ou adapter un instrument spécialement pour cela, ce qui nécessite l'intervention d'un facteur. |
Ce dessin de Hotteterre, extrait de sa tablature de la flûte à bec, montre que les doubles trous étaient connus au début du 18e siècle. L'instrument illustré ici ne pouvait être joué qu'avec la main droite en bas.