Les doigtés utilisés sur un instrument à vent dépendent de sa conception, de ses profils et des ses proportions. La flûte à bec a évolué au cours des siècles. Au début de la renaissance, les musiciens utilisaient des flûtes à bec ayant une étendue de moins de deux octaves. La tablature suivante, publiée à Bâle par Sebastian Virdung en 1511 nous montre non pas les trous à boucher, mais ceux qu'il faut laisser ouverts pour chaque note depuis le bas de l'instrument. Les trois tailles de flûte à bec les plus couramment utilisées sont representées ensemble.
Les chiffres à droite désignent les trous à ouvrir depuis le pavillon (0), le trou le plus bas (1) jusqu'au trou de pouce (8)
Silvestro Ganassi a publié son traité, La Fontegara en 1535. Il contient six tableaux de doigtés dans la tessiture normale de l'instrument, une octave et une sixte. En raison de leur présentation plus conventionnelle, montrant les trous à fermer plutôt que ceux à ouvrir, ils sont plus facile à lire que la tablature de Virdung.
= fuite ou trou entrouvert.
Ganassi a fait des recherches sur ses propres flûtes, en cherchant à jouer des notes plus aiguës, et son traité La Fontegara contient les tablatures suivantes, qui sont le résultat de ce travail. Les doigtés diffèrent considérablement de ceux des flûtes modernes, et correspondent à 3 instruments de facture différente, repérés par une reproduction du poinçon sur la première de chaque série. Il y a des variantes et des notes manquantes d'une flûte à l'autre. Dans chaque tableau la première colonne à gauche correspond au fa bécarre d'une flûte en sol (si♭ d'une flûte en do), la troisième représente le sol aigu d'une flûte en sol (do aigu d'une flûte en do).
Voici une tablature bien plus tardive (autour de 1600) qui correspond au même type d'instrument, dont l'étendue « utilisée » n'atteint pas deux octaves. Elle fait partie d'un recueil de pièces d'Aurelio Vrgiliano.
A partir du milieu du 16e siècle la conception des flûtes à bec semble avoir évolué, avec pour conséquence une étendue plus grande, atteignant puis dépassant 2 octaves. Ces doigtés se rapprochent de ceux de nos instruments actuels. La tablature ci-dessous fait partie de l'Epitome Musical de Philibert Jambe de Fer, publiée en 1556.
Nous trouvons des doigtés similaires dans la tablature de Mersenne (l'Harmonie Universelle, 1636). A quelques exceptions près, ce sont les doigtés de nos intruments d'aujourd'hui.
Dans un texte publié avec le Fluyten Lusthof de 1646, Blankenburgh nous décrit les doigtés de la flûte de l'époque de van Eyck, sans donner de tablature. Ces doigtés sortent de l'ordinaire car il est beaucoup fait usage de demi-trous à la place des fourches, parfois pour faire la distinction entre les dièses et les bémols.
Deux doigtés sont particulièrement intéressants, ceux du si et du do aigus (pour un instrument en do), qui sont décrits ainsi :
A l'octave supérieur le si se joue de la manière
suivante : pour la main de dessus, le trou de pouce est plus qu'à
moitié fermé, celui du premier doigt fermé ;
pour la main de dessous les trous de l'index, du majeur et de
l'annulaire fermés, ce qui nous donne une note de 2e registre.
Le do aigu se joue de la manière suivante : pour la main de dessus, le trou de pouce est plus qu'à moitié fermé, celui du premier doigt fermé ; pour la main de dessous les trous de l'index, et du majeur fermés, ce qui nous donne une note de 3e registre. Blankenburgh propose en fait le même doigté que Ganassi et Virgiliano pour le si mais le do est une note du 3e registre comme chez Mersenne. Ces deux notes s'enchaînent aisément, même dans les passages rapides. Certaines flûtes pré-baroques peuvent jouer aussi bien le doigté de 2e registre de Blankenburgh, que celui de 3e registre de Mersenne. |
Les mêmes doigtés sous forme de tablature : |
Voici la première tablature correspondant à une flûte à bec de type baroque. Elle est de Bartolomeo Bismantova, et date de 1677. Elle s'applique en fait à une flûte alto en sol, demeurée longtemps la flûte soliste en Italie.
Les chiffres indiquent les trous fermés (1 = trou de pouce, 8 = dernier trou ou auriculaire de la main droite)
LA VERITABLE MANIERE D'APPRENDRE A JOUER EN PERFECTION DU HAUT-BOIS, DE LA FLUTE ET DU FLAGEOLET de Freilhon-Poncein parut en 1700. Nous y trouvons trois tablatures pour la flûte (flûte à bec). Les sons naturels, les dièses et les bémols sont présentés dans des tableaux différents. A part ceux du si et du si bémol, les doigtés sont les mêmes que sur les flûtes à bec modernes, pour une étendue de deux octaves et une note (du fa1 au sol3). Il n'y a pas de fa#3. Les doigtés des dièses et des bémols correspondants sont les mêmes. L'avant dernier trou est souvent fermé, sans doute pour aider à mieux tenir l'instrument.
Cette tablature est sans doute la plus célèbre de celles de l'époque baroque. Elle fait partie du traité de Jacques Hotteterre-le-Romain de 1720. Ces doigtés sont semblables à ceux de Freilon-Poncein.
De nombreuses méthodes de flûte à bec (common flute) parurent en Angleterre au cours du 18e siècle. Voici une tablature typique extraite de l'une d'entre elles : The Muses Delight de John Sadler (1754)
Le terme pinch'd Notes correspond aux notes aiguës pour lesquelles le trou de pouce est entrouvert.
Voici une tablature qui s'applique à un instrument en do, publiée par Thomas Stanesby Junior vers 1732, dans son apologie de la flûte à bec ténor intitulée "A New System of the Flute À Bec". Elle a la particularité de faire la distinction entre les dièses et les bémols et comprend en plus un doigté pour le do# aigu.
x = trou partiellement fermé
Nota : Il pourrait y avoir une erreur au niveau de l'un des des doigtés donnés pour le fa dans ce tableau. Pour que l'octave soit juste, les fourches ne sont normalement pas les mêmes dans les deux registres.
Si le fa grave est correct, l'avant dernier trou ne devrait être que partiellement fermé pour le fa aigu (doigté Hotteterre).
Si, par contre, le fa aigu est juste, le dernier trou devrait être fermé en plus pour le fa grave (doigté baroque "normal" ou anglais).