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La flûte à bec "Ganassi" est devenue à la mode au cours des vingt ou trente dernières années du XXe siècle. Elle fait suite à des interrogations de musiciens et facteurs sur l'instrument
pouvant correspondre aux tablatures de notes aiguës figurant dans le traité de Silvestro Ganassi, La Fontegara, publié en 1535.
L'instrument qui a servi d'origine à ces spéculations se trouve aujourd'hui au Kunsthistorisches Museum à Vienne, en Autriche. Il s'agit d'une alto en sol
fabriquée en buis, au diapason proche de 466 Hz. Elle n'est plus en parfait état de jeu aujourd'hui. Cette flûte possède une perce presque cylindrique avec un évasement marqué au niveau du pavillon, ainsi que
des trous exceptionnellement gros. Ces caractéristiques un peu particulières ont amené certains facteurs à expérimenter et, moyennant certaines modifications, à développer un instrument avec une tessiture de plus de deux octaves, sur laquelle des doigtés semblables à ceux de La Fontegara peuvent être utilisés |
L'idée s'est donc répandue que cette flûte N° SAM 135 avait un caractère plutôt soliste, et qu'elle avait été
construite exprès pour jouer sur une tessiture plus grande que celle de la plupart des flûtes à bec de son époque avec les doigtés indiqués dans ces tablatures.
Ainsi est née la "Flûte Ganassi", qui s'est rapidement répandue dans les milieux de la flûte à bec et s'est imposée comme l'instrument supposé idéal pour interpréter tout le répertoire pré-baroque,
puisque c'était la première flûte à bec à caractère soliste à arriver sur le marché avec une sonorité différente de celle des instruments baroques. Rapidement de nombreux facteurs se sont mis à la construire.
Sa perce cylindrique permet l'adaptation d'un ou de deux corps supplémentaires à des diapasons différents, chacun ayant toutefois son propre timbre.
Le terme "d'après Ganassi", souvent employé pour désigner cet instrument, serait en réalité inexact puisque Silvestro Ganassi était musicien, et ne semble pas avoir
fabriqué de flûtes lui-même.
De nouveaux éléments sont apparus plus ou moins récemment à propos de la flûte originale n° SAM 135 :
Au niveau du timbre, le spectre sonore engendré par une perce cylindrique n'est pas tout à fait le même que celui des flûtes à bec du 17e siècle, à perce légèrement conique ou rétrécie vers le bas, dont le timbre est plus riche en harmoniques.
La flûte Ganassi moderne pourrait donc posséder une sonorité qui ne serait pas tout à fait celle que connaissaient les compositeurs de l'époque pré-baroque.
Au delà de 1550 aucun traité ne mentionne les notes aiguës de Ganassi, ce qui signifie sans doute qu'elles n'étaient simplement pas employées.
Le changement est amorcé en 1556 avec L'Epitome Musical de Philibert Jambe de Fer et sa tablature couvrant une tessiture de 2 octaves avec l'utilisation du troisième partiel pour les notes les plus aiguës et par conséquent des mouvements de doigts beaucoup plus ergonomiques, proches de ceux que nous utilisons aujourd'hui.
A quelques différences près nous retouvons les mêmes chez Mersenne et chez Blankenburgh (der Fluyten Lust Hof) au XVIIe siècle.
De plus, les différentes tailles de flûtes à bec de la renaissance étant accordées en quintes les unes par rapport aux autres, la flûte soprano Ganassi en ut,
très courante de nos jours, n'a vraisemblablement jamais existé. Un tel instrument aurait été accordé en ré.